La libération du geste d'Alix

sous la conduite de Paul Foujino

    «Le geste, chez Foujino, précède, pour ainsi dire, la peinture, comme il l'a enseigné à Alix. Ce geste essentiel, que l'artiste doit apprendre à "lâcher", pour qu'il ne soit plus rien d'autre que la pure expression de lui-même, sans qu'il sache ni d'où il vient, ni où il va, pure existence gestuelle, chargée des mystères de notre propre existence.»

     A travers la série des œuvres d'Alix il est possible de retracer l'évolution de son geste vers la liberté:

- les étapes de cette libération,

- ses "raisons",

- les hasards de découvertes techniques qui en ont précipité la marche.

     A la fin des années 70, lorsqu'Alix, sous la pression de Paul Foujino, se décide à prendre le pinceau, son geste est conduit par une seule idée: représenter le rythme qu'elle conçoit alors comme une répétition modulée de mêmes thèmes.

     Ces thèmes sont :

     Tantôt des taches colorées:

Année 1978 Op.18

Année 1978 Op. 23

  Tantôt des taches qui s'étirent en forme de traits

Année 1979 Op. 12

    

Des traits qui s'affinent,

Année 1979 Op.5

Année 1978 Op. 21

     Mais les premiers essais de geste automatique n'apparaîtront qu'à partir de 1980. Et encore!... ils seront timides, la main "ne se lâche pas" totalement... On constate cependant que le geste se hazarde à quitter la pure répétition du rythme, sans pour autant s'abandonner totalement au devenir de son propre mouvement; le rythme réalisé "sent" la construction intellectuelle.

Année 1980 Op. 11

    Pourtant, depuis des années maintenant, Alix travaille cette "libération de la main" où Paul Foujino veut la conduire. Pour ne pas être bloquée par le sentiment de gâcher du papier, elle utilise des rouleaux de vieux papiers peints dont elle couvre de ses gammes des centaines de mètres, éxécutées au gros pinceau de calligraphie japonaise avec sa pierre à encre de chine. Sa manière à elle d'échapper à l'angoisse de la feuille de papier blanc.

     Il n'est pas impossible de penser qu'Alix, à cette époque, a d'autant plus de difficultés à lâcher sa main qu'elle n'est pas très sûre que cette voie où l'engage Paul, soit la bonne voie... du moins pour elle. En effet, on voit encore apparaître de temps en temps des essais de compositions rythmées dans lesquels la main n'a aucune liberté, elle doit obéir aveuglément, pour concourrir à la réalisation d'un projet rationalisé. (Ces essais nous permettent de constater un début de maîtrise dans le maniement du pinceau... après des années d'exercices!)

Année 1982 Op. 24

     Il faut attendre 1987 pour qu'Alix "assiste" à la première danse de son pinceau, et encore, cette danse n'est pas totalement libre, elle demeure organisée par un schéma directeur, mais on doit bien reconnaître que la main est en train d'y conquérir sa liberté

Année 1987 Op. 33

    Ce graphisme, Alix ne l'a pas mis à la poubelle, comme des milliers d'autres exercices. Elle s'est retenue de le jeter. L'œuvre a donc retenu son attention... Mais elle ne l'a pas signée, lorsqu'elle signera une œuvre, ce sera le signe que l'œuvre mérite de chercher à retenir le regard de l'autre.

L'année 1987 apparaît comme décisive dans cette démarche vers la libération de la main qui portera ses plus beaux fruits à partir de 1989.
Année 1987 Op.53
Année 1987 Op. 64
Année 1987 Op. 56
Année 1989 Op. 13
Année 1992 Op. 4
     Cette évolution du geste dans l'œuvre d'Alix, depuis la simple répétition d'un thème primaire jusqu'à l'automatisme libéré, est une évidence au niveau du Çà. Mais le fait que cette évolution se soit étalée sur une quinzaine d'année manifeste qu'elle n'a pas été évidente!... On pourrait chercher à comprendre les méandres de cette évolution, au risque de quitter le domaine de l'évidence des faits, mais en fin de compte pour quoi?
      Paul a exigé qu'elle travaille dans cette voie; c'est lui d'ailleurs qui lui donne son gros pinceau et sa pierre d'encre de Chine. Alix a toutes les raisons de ne pas douter d'avancer dans cette voie: elle aime les encres de Chine de Paul Foujino*, elle a été interpellée par celles d'Hans Hartung, vues à une exposition du début des années 70 au Palais de Tokyo.

     Pourtant, on l'a vu, à certains moments, elle doute, non de la qualité de cette orientation, mais d'elle-même et elle tente une échappée vers une expression plus rationellement dominée...

Qu'est-ce donc qui se cache derrière cette angoisse de la libération?

*Les dessins de Paul Foujino (2005) Édité par l'Association des amis de Paul Foujino

Paul Foujino. Encre de Chine (1965 (?))
Hans Hartung. Encre de Chine (1955)

     Une ridicule petite découverte technique va considérablement aider Alix à affronter, puis à dominer, cette angoisse. Découverte qui, initialement, ne concerne pas le domaine du rythme mais celui de la structuration de l'espace.

     En effet, très vite, au contact de Paul, ou plutôt à la vue de ses œuvres, Alix constate que ses essais ne présentent aucune structure de l'espace.

Alix 1978 Opus 17
La comparaison avec des œuvres contemporaines de Paul est sans appel dans ce domaince de la structuration de l'espace...
Papier découpé de Paul Foujino (1977)
     Pour essayer de structurer l'espace de ses gouaches, Alix tente alors un stratagème: elle divise l'espace de ses gouaches en plusieurs formes géométriques, différenciées par leur couleur de fond; ses motifs rythmiques, colorés ou non, viendront se plaquer sur ce fond géométriquement structuré.
1978 Opus 9
1978 Opus 13
     Mais cette piste ne satisfait pas Alix et, très rapidement, elle l'abandonne.

     Et c'est en 1980, je crois, qu'Alix fait la petite découverte technique qui aura un impact considérable sur la suite de son travail. Regardant un jour une gouache qu'elle avait faite quelques temps auparavant — Alix revenait souvent sur les travaux qu'elle n'avait pas mis à la poubelle — son œil découvre dans une zone de la gouache un espace qui lui paraît structuré. Aussitôt, prenant ses ciseaux, elle découpe cet espace, puis, tournant ce petit bout de papier dans tous les sens, elle constate que cet espace demeure structuré, quelque soit l'angle sous lequel elle le regarde...

Alix 1980 Opus 12
     Elle venait de découvrir que sa main, sans qu'elle le veuille, sans même qu'elle s'en aperçoive, pouvait créer des structurations de l'espace qu'elle était bien incapable de réaliser consciemment et volontairement. Elle comprenait ainsi qu'il lui fallait lâcher le geste de sa main et ne plus porter son attention que sur la palette des couleurs. Quelle merveilleuse cure de l'angoisse!... Désormais elle peint sans faire attention... Pas question de chercher à faire du beau! Elle peint, elle peint, elle peint... les gouaches s'amoncellent... Puis dans ce fatras de lignes et de taches colorées son œil, patiemment, systématiquement, cherche la perle que sa main a tracée, sans s'en douter.

     Désormais tous les cartons de ses tapisseries seront créés de la sorte.

Alix 1982 Opus 14
Alix 1982 Opus 34
     En 1989 ce travail de structuration de l'espace prendra tellement d'importance qu'Alix abandonnera pour un temps les couleurs.
Alix 1989 Opus 17
Alix 1989 Opus 20
     A force de laisser courir sa main dans ce domaine de la structuration de l'espace, sans se soucier de faire du beau, Alix est parvenue à une libération du geste qui lui a permis de réaliser ses rythmes étonnants, qui ne sont plus, eux, le fruit d'un travail de découpage au sein de productions automatiques, mais qui sont bel et bien d'un seul jet... et combien éblouissant!...

«Je cherche à ce que les formes que j'invente arrivent à vivre d'elles-mêmes, naturellement.»

disait sont maître Paul Foujino

    

     Alix a laissé des centaines d'œuvres au pinceau, elles sont utilisables librement par tout le monde sous forme:

- Soit de tirage en Lithographies numériques qui réalisent un agrandissement du carton d'Alix sur des supports divers (papiers avec ou sans grain, tissus). Ces tirages se rapprochent au plus près de l'intention d'Alix qui souhaitait tapisser grand, et qui souhaitait aussi que la matière collabore à son œuvre en apportant ce petit rien d'imprévu qui renforce le charme de l'œuvre.

- Soit de petite décoration de tous les papiers qu'on peut avoir envie de faire pour inviter, faire-part, ou simplement pour le plaisir.

     Un CD des œuvres d'Alix peut être demandé à Pierre-Marie GAGEY > pmgagey@club-internet.fr <

La définition des fichiers de ce CD est bien sûr insuffisante, il ne s'agit que d'un catalogue.Mais il est possible de reçevoir des fichiers lourds pour réaliser d'excellentes reproductions.

Jacquette du CD d'Alix

Une adresse d'imprimeur possible si vous n'en connaissez pas d'autres:

Art & Numérique

19, rue vieille du temple

75004 PARIS

01 42 71 15 16

ariel.termine@wanadoo.fr