![]() |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
revenir à la biographie | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
cliquer sur les images pour les agrandir
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Un livre "Paul Foujino, Dessins" a été publié en 2005 par l'Association des Amis de Paul Foujino; Il est disponible sur demande (voir page Contact) | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
LES DESSINS DE PAUL FOUJINO Par Jean-Marie Tézé Ces dessins ne sont pas de ceux où " la ligne pointe la première ". Si l'on définit l'art du dessin par la linéarité quelle consiste en contours ou en hachures, les dessins de Paul Foujino échappent à cette définition. Ses dessins ne sont pas des dessins au sens qu'on donne généralement à ce terme. Ce sont des formes-taches, des rythmes-formes, des jeux du pinceau qui sont en même temps des actes gestuels, des esquisses picturales qui n'esquivent pas cependant le trait, le jet, linflexion que l'on trouve dans les lignes. Et par là, sans doute, recueillent-ils aussi bien un héritage ancestral qu'une influence de la peinture moderne. Un jour où nous avions demandé à Paul d'écrire un texte chinois très court par ailleurs, quelques pictogrammes seulement et où l'on s'attendait à le voir s'exécuter sur le champ, il nous demanda. quelques feuilles de papier afin de s'exercer, ce qui prit bien une demi-heure. Cette petite anecdote est révélatrice d'une tradition picturale qui n'est pas la nôtre. En chine ou, au Japon, l'écriture est peinture et la peinture est écriture. Le peintre ne travaille pas, en lobservant de son mieux, la chose qu'il veut représenter; il travaille d'abord sur son corps pour le mobiliser en quelque sorte, le délivrer de ses engourdissements, de ses pesanteurs, de ses habitudes, de ses tics, afin de parvenir à la plénitude et à la liberté d'un geste où l'homme et le monde ne font plus qu'un. Aussi Paul commença-t-il par sexercer, par s'échauffer comme un sportif, à " se mettre en doigt " comme dirait un pianiste, à " se mettre. en jambes ", comme dirait un danseur, jusquà ce que sa main et son corps tout entier en viennent à équivaloir les intentions et la subtilité de l'esprit, que son dessin soit la trace de son geste et son geste l'expression de. son coeur et de son âme, indivisiblement. Certains dessins peuvent évoquer les choses de ce monde; des fleurs, des feuilles, des branches, des arbres, tout au moins une atmosphère végétale, car Foujino ne cherche pas à saisir les contours extérieurs des choses. Plus que de simples repères, leurs limites sont pour lui des incitations à outrepasser leur apparence par des rythmes, des images surabondantes et sans bornes qui prennent naissance dans son corps, dans sa "chair pulsatile', dans l'espace intime de lhomme vivant qu'il est. " Si tu veux réussir l'existence d'un arbre, investis-le d'espace interne. Cet espace qui a son être en toi : il est sans borne. " (Rainer Maria Rilke). Même quand on dessine à partir d'actes gestuels et d'impulsions corporelles, il est inévitable que les choses du monde soient évoquées, car le corps est " la texture commune de tous les êtres " dit le philosophe et le poète aussi bien : " le corps comporte en lui les racines de toutes les forces qui mettent le monde en uvre, il en constitue l'exemplaire abrégé ". Et pour finir par un proverbe asiatique : " le cri de l'homme n'est pas distinct du "Ah" des choses ". Par contre, dans un dessin qui est daté de l'année 1962 toute allusion figurative s'efface ou se perd dans la disposition de l'espace décoratif. Pour Paul Foujino comme pour Matisse qu'il admirait, le décoratif, loin d'être une expression péjorative, est une " chose extrêmement précieuse, une qualité essentielle " surtout quand il provient d'une liberté gestuelle. Détente, jeux de la main et du pinceau, plaisir de l'arabesque nonchalante et souple qui se noue et se dénoue avec des effilements, des gonflements, des tremblements, suivant des scansions et des progressions rythmiques. Les vides sont formes aussi bien que les pleins, les couleurs sont légères, presque évanescentes. Aucune contrainte, nulle contraction, aucune tension. Libre, libre est ce dessin comme une liane aquatique." L'art, c'est nous restituer ce monde-ci comme s'il avait sa source dans notre liberté" (Sartre). Sur une diagonale des formes sinueuses,un cygne, pensera-t-on? Mais Paul pensait sans doute à toute autre chose, car le col de l'oiseau trouve une consonance dans une courbe similaire et presque symétrique, en bas à gauche, qui prolonge en lélargissant l'arabesque décorative. De plus, trois taches éparses, dune encre très diluée et dune touche légère, impressionniste, apportent une connotation d'éloignement et de dilatation de lespace. Enfin le pinceau plein dencre laisse se faire le subtil et imprévisible travail de leau, sollicité sans doute par un mouillage préparatoire du papier. Pas de contours nets et tranchants, mais une infime vibration produite par des formes capillaires, des effilures aléatoires, toutefois organiquement ramifiées, comme peuvent en avoir les matières de l'ouate ou du duvet. 0ù sarrête le trait du pinceau, trace du geste de l'homme? Où commence le travail de l'encre et les productions inventives de la nature? Comment le savoir? Les deux viennent ensemble. La peinture de lExtrême-Orient ne cherche pas la vérité dans la ressemblance ou limitation, mais dans le souffle, et elle ne met pas plus de séparation entre. le trait du pinceau et lencre quentre la forme et la matière. " La ressemblance saisit la figure et laisse échapper le. souffle animateur, la vérité saisit tout ensemble le souffle et la matière. " (Jing Hao) Entre deux rectangles, lun.à gauche saturé, mais qui se dissout peu à peu en rayures rectilignes dans le fond blanc du papier ; l'autre, à droite, horizontal et dilué, une grande forme fait le lien et structure lensemble.Au-dessus de rayures courbes éclate une tache noire, intense, déchiquetée, dont la découpure nullement ébarbée n'est que l'aboutissement d'une dynamique interne, d'une pulsation centrale donnant le rythme et sabrant violemment un noyau dense. Carrefour de directions multiples, articulation d'espace, ce dessin s'enlève sur le fond blanc comme un beau pictogramme- Bien d'autres dessins, libres du cadre, se détachent ainsi sur fond blanc et trouvent leur cohérence en eux-mêmes, soit par un balancement harmonieux et décoratif, soit comme celui-ci par un dynamisme interne. Mais la plupart du temps, sans doute parce qu'ils sont des ébauches préparatoires à des papiers collés, ils remplissent la page ou le cadre qu'ils se donnent. Dans un dessin le fond blanc est presque totalement recouvert par les taches noires. Le décoratif disparaît sous la pression et limpétuosité des formes qui se déchaînent et senchevêtrent dans une tension explosive où des énergies se libèrent. Mais, cet éclatement ne va point sans centrage et concentration, ce qui ne fait paradoxalement qu'en accentuer la violence. A lopposé, dautres dessins sont plus statiques. Ils recherchent visiblement l'effet de masse par la densité de lencre et par la carrure de formes orthogonales. Lauteur a-t-il redouté un trop grand contraste entre le plein et le vide, entre le noir et le blanc? Toujours est-il quentre les deux il a introduit des passages en employant des lavis et ménagé des gradations insensibles qui laissent filtrer une lumière inattendue, mystérieuse. Lui qui dans l'ensemble de son uvre a voulu rendre la lumière par la couleur, nest-il pas remarquable quil la cherche ici par des valeurs et du clair-obscur? Tout en remplissant la page, certains dessins accordent une large part au. blanc du papier. Ce qui leur donne une grande légèreté, une légèreté dansante et dynamique, faisant appel aux formes les plus diverses : aplats saturés ou traits dilués, arabesques ou larges surfaces, tensions ou sinuosités, touches filées ou appuyées. Mobilité, pulsation, rythme et en même temps composition équilibrée et rigoureuse, quelle belle écriture ! Foujino ne cherche pas d'abord la maîtrise, il guette plutôt lirruption de linattendu, de l'incident, je dirai même de l'accident qui souvent se produit quand le pinceau aborde le papier ou s'en écarte, quand il est sec ou plein d'encre. Les aléas du pinceau, loin dêtre effacés, corrigés, refoulés, sont reçus et cueillis par la main du peintre comme des incitations à trouver ce qu'il cherche et à donner un excès, une exubérance de vie à ce qu'il trouve. Paul Foujino ne. craint pas le hasard, il en connaît les ressources. Pour lui laccident est une forme imprévue, et nouvelle de la vie. Cette utilisation ou plutôt cet accueil de l'accident laisse au graphisme son énergie première, sa spontanéité, son jaillissement, son cri en quelque sorte. Après tout ce serait, je pense, toucher à l'essentiel de ces dessins que de finir par dire : Paul Foujino reçoit et conçoit les formes et leurs images, quand elles surgissent de leur jaillissement. |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||